« Du fer, du fer, rien que du fer ! » Cette phrase célèbre du Baron Hausmann était adressée à l’architecte Victor Baltard à propos du projet des Halles Centrales de Paris et exprimait les souhaits de Napoléon III. Ce dernier affiche ainsi sa préférence pour les architectures en fer et annonce ce qui allait venir. Petit à petit, le métal dépassera la simple structure et deviendra ouvrage d’art. Comment le métal s’est-il introduit et développé dans les constructions ?
Introduction et développement du métal dans les constructions
Les matériaux usuels étaient originellement la pierre et le bois. Le métal ne prend réellement son essor qu’au moment de la révolution industrielle des XVIIIe et XIXe siècles. Le fer, la fonte et ensuite l’acier, seront utilisés dans l’architecture et le Génie Civil avant d’être finalement détrônés par le béton. Les qualités et la résistance du métal jouent pour beaucoup dans le choix de ces matériaux pour les constructions.
L’ossature métallique au coeur de monuments emblématiques
Au départ, le métal est d’abord utilisé pour l’ornementation et le renfort des structures architecturales. La fonte était utilisée pour les éléments décoratifs, le fer pour les structures et charpentes métalliques. Eh oui, sous la robe de cuivre de la statue de la Liberté se cache un incroyable squelette métallique réalisé par Gustave Eiffel. Si on pouvait la « déshabiller », on constaterait que cette ossature n’est autre qu’une sorte de mini tour Eiffel surplombée par une autre, encore plus petite, dans le bras, le tout supporté par un pylône central. Sur le Panthéon de Paris, l’ossature métallique est à son paroxysme. Des tiges de métal renforcent la structure en reliant les blocs de pierres entre eux.
Ce n’est que bien plus tard que les architectes, influencés par l’art nouveau, commencèrent à réaliser des structures en métal visibles mettant ainsi en valeur l’esthétique de ce matériaux. Il deviendra ensuite le matériau de prédilection pour les travaux de charpente, les planchers et autres couvertures métalliques : halles, marchés, gares et autres bâtiments industriels et commerciaux exhibent fièrement leurs arrêtes et poutres métalliques au monde. Les expositions universelles enfonceront le clou avec la réalisation de bâtiments d’art métalliques.
L’avènement de l’acier
Le domaine sidérurgique voit l’avènement d’un nouveau matériau : l’acier, alliage de fer et de carbone. La soudure révolutionne la construction métallique et l’utilisation de l’acier devint massive à la fin du XIXe siècle. Ce métal offre en effet à l’architecture des possibilités que ne possèdent pas la pierre, le bois ou les autres métaux.
Deuxième moitié du XXe siècle, avec la fin de la guerre, le besoin de reconstruction se fait urgent. Or, le métal permet de répondre à cette urgence en étant plus économique et en permettant des réalisations solides et rapides. La métallerie se développe considérablement et par là même, l’utilisation de l’acier. Solidité, longévité et résistance au feu, les qualités de l’acier sont indéniables et permet d’augmenter les portées pour les charpentes et de répondre aux exigences des bâtiments commerciaux et industriels, pour le gain de place notamment : une colonne de fonte supporte plus de poids et prend moins de place qu’un support épais en maçonnerie. Les bardages métalliques et couvertures métalliques, apportant une meilleure isolation, se répandent en Europe. Aux Etats-Unis, les tours d’acier et de verre comme l’Empire State Building avec ses 102 étages, poussent comme des champignons. Mais alors que la construction métallique aux Etats-Unis se démocratise et devient un style à part entière, la France se laissera séduire par le béton.
Ouvrages métalliques : des ouvrages d’art
Gustave Eiffel : le magicien du fer
L’architecture métallique devint un art que les ingénieurs les plus prestigieux utilisent pour leurs conceptions et réalisations grandioses. Parmi eux, Gustave Eiffel est très certainement un ingénieur hors norme. On le connaît surtout pour sa Dame de fer mais Eiffel a initié et réalisé bien d’autres projets architecturaux à travers le monde. Sa coupole de la lunette principale de l’observatoire de Nice fut classée aux Monuments Historiques en 1994. Il réalisa également la charpente métallique de la poste principale de Saigon. On reconnait également sa patte distincte sur un certain nombre de ponts métalliques tels le viaduc de Garabit en France ou le viaduc de Porto au Portugal. Ses travaux non visibles sont non moins importants telle l’ossature de fer de la statue de la Liberté mentionnée plus haut.
Mais c’est en 1889, à l’occasion de l’exposition universelle, que Gustave Eiffel donnera naissance à son chef d’oeuvre, la tour Eiffel. Une tour entièrement faite de fer et culminant à 324m de hauteur. Les pièces, montées dans des ateliers de fabrication, sont ensuite assemblées sur place. La tour Eiffel, qui aurait normalement dû être démontée après 20 ans, deviendra le symbole de Paris et de la France. Elle reste, à ce jour, le monument le plus visité au monde.
Le métal « esthétise » les commerces
• Les marchés
Le métal a véritablement trouvé ses lettres de noblesse à travers plusieurs réalisations spécifiques. Il est notamment très utile pour les marchés couverts où sa résistance au feu répond parfaitement bien aux exigences de tels bâtiments. Parmi eux, les Halles Centrales de Paris, datant du XIXe siècle, font figure de monument clef. L’effet décoratif de la structure métallique associée au verre, tout en légèreté, apporte un effet décoratif inédit ! De nombreux marchés suivirent mais aujourd’hui seulement une poignée subsiste.
• Les gares
Les gares sont une belle manifestation de l’architecture métallique visible et considérée comme artistique. Leurs qualités esthétiques ne passent pas inaperçues et seront d’ailleurs immortalisées par des peintres célèbres tels Claude Monet avec sa peinture de la gare St Lazare. La gare du Nord sera la première gare à exposer une vaste charpente métallique de 72 mètres de portée. La structure repose sur quatre rangées d’imposantes colonnes corinthiennes en fonte qui culminent à 38 mètres de hauteur. Rapidement, les autres gares parisiennes suivent le mouvement. Les charpentes métalliques de celles-ci offrent un joli contraste avec leurs façades de pierre. Le développement du chemin de fer, autre réalisation métallique historique s’il en est, alimente d’ailleurs ces marchés. Précisons que les infrastructures ferroviaires représentent de véritables ouvrages d’art dont certains éléments sont même classés.
Autres bâtiments emblématiques
Des lieux tels le Bon Marché ou le dôme du Grand Palais sont devenus des références lorsqu’on parle de bâtiments d’art à structures métalliques. Ces dernières s’affirment clairement comme élément décoratif à part entière en plus de structurelle. Les grands magasins feront pleinement partie de la mouvance métallique avec des innovations architecturales d’envergure. Le Bon Marché sera d’ailleurs précurseur avec non seulement sa structure mais également son escalier, ses combles et sa lanterne vitrée, dessinés par deux ingénieurs de renom : Gustave Eiffel et Armand Moisant. Citons la Samaritaine, construite en acier par Frantz Jourdain ou encore les carreaux du temple dont la charpente métallique date de 1862 et est classée Monuments Historiques. Autre monument en fer original et maintenant classé, la grue Titan de Nantes.